Le compostage
Le traitement mécanobiologique
La biodiversité des sols :
Généralités :
Le sol que nous foulons est « un continent inexploré » (Titre d’un numéro spécial de la revue Science : Soil - The Final Frontier, 2004).
Les êtres vivant dans un écosystème constituent des communautés au sein desquelles se regroupent des organismes très différents, avec des interactions dominées par la compétition, ou auto-organisés par des relations de mutualisme pour partager les mêmes catégories de ressources nutritionnelles.
Les sols de la plupart des écosystèmes terrestres sont caractérisés par une profusion de formes de vie. Cette faune et ces micro-organismes pour la quasi-totalité des groupes connus, présentent une diversité de tailles et de morphologies corporelles, de formes de vie, et de comportements.
La biodiversité a été définie par le WWF (1989) comme « L’ensemble de toutes les formes de vie présentes à la surface de la planète : des millions de plantes, animaux et micro-organismes, ainsi que les gènes qu’ils contiennent et les écosystèmes auxquels ils appartiennent ».
Les différents groupes (voir fig.ci-dessous) agissent globalement sur le fonctionnement des sols, et influencent la production végétale.
La diversité biologique influence :
- L’équilibre entre les prédateurs et leurs proies, ainsi que les flux de matière et d’énergie au sein des réseaux trophiques.
- L’inventaire des espèces vivantes dans le sol, la connaissance de leur rôle exact et leur interaction sont mal connus.
Cependant, il est admis que :
- Les organismes du sol remplissent des fonctions écologiques essentielles à la formation et au maintien de la structure des sols,
- Qu’ils sont indirectement responsable pour la rétention en eau et du tassement des sols
- Qu’ils agissent pour décomposer, transformer et transporter la matière organique, notamment la fourniture d’éléments nutritifs aux plantes,
- Qu’ils sont indispensables à la productivité des écosystèmes terrestres,
. Qu’ils régulent le processus d’émission et de séquestration de gaz à effet de serre.
Dans un contexte d’anthropisation grandissante de la terre il y a une tendance à l’homogénéisation des écosystèmes.
La qualité des sols :
Les teneurs en matière organique des sols cultivés en France ont tendance à baisser en raison de changements des pratiques culturales. Cette diminution entraîne une dégradation des qualités physiques (déstructuration et accroissement du risque d’érosion), chimiques (moindre disponibilité en azote), et biologiques (perte d’activité microbienne). Il est possible de remédier à cette situation par des apports de déchets biologiques. L’entretien et l’augmentation d’apports organiques permet d’améliorer les fonctions nutritionnelles et environnementales du sol.
La biomasse microbienne ainsi que les populations de vers de terre varient dans le même sens que la teneur en carbone organique.
Le compostage :
Définition :
Ces opérations aérobiques ont le mérite d’utiliser l’action bactériologique sur des matières issues de la nature (bois, déchets verts) et de l’agriculture (restes de repas solides et liquides) pour rendre à la nature une matière organique transformée sous forme de compost.
Le compostage peut être réalisé à partir de différents déchets entrants :
- Les déchets verts de jardins municipaux ou privés ou d'entreprises d’entretien d’espaces verts.
- La fraction fermentescible des ordures ménagères collectées sélectivement et triées à la source. Cette fraction est beaucoup plus humide que la précédente.
- Les déchets agricoles (fumiers, excréments d’animaux, …).
- Les sous-produits de l'industrie agro-alimentaire (IAA). Ceux-ci peuvent être de diverses natures (marc de raisins, graisses, pulpes).
- Les boues de stations d’épuration (STEP) d’eaux usées urbaines ou industrielles. En général, ces boues sont mélangées à un agent structurant lors de la maturation : copeaux, bois ou déchets végétaux afin d'obtenir une structure adéquate et une porosité suffisante du matériel. Le produit fini peut aussi être séché pour faciliter le transport et l’épandage.
Il faut noter que certaines collectivités s’orientent vers des plates-formes de compostage multi-déchets qui traitent non seulement des déchets verts, mais également des mélanges de bio-déchets, des boues d’épuration ou des sous-produits de l’industrie agro-alimentaire.
Transformation de la matière organique en compost :
Le compostage vise à faire évoluer de manière contrôlée la matière organique brute du déchet pour obtenir un produit stabilisé, à décomposition lente, riche en humus. Le principe du compostage est de créer un milieu favorable au développement de micro-organismes qui vont opérer ces transformations. Pour cela il faut disposer au sein du produit traité des conditions optimales d’humidité, d’oxygénation et d’équilibre entre les nutriments majeurs.
Pour obtenir ces conditions les techniques sont variées. Le produit peut être mis en andains sur une plateforme aménagée, ou placé en silo. Son aération est réalisée soit par un brassage régulier (retournement d’andains), soit par insufflation d’air (aération forcée). Parfois, les deux techniques sont utilisées pour mettre à profit leur complémentarité (homogénéité du produit et disponibilité d’oxygène).
Pendant 3 à 12 semaines, selon la technique utilisée le produit entrera dans une phase de fermentation pendant laquelle l’activité microbienne provoquera une augmentation de la température (60 à 80°c).
Par la suite, le produit frais devra normalement rester environ trois mois dans une phase de maturation pendant laquelle s’opérera son humification. Durant cette phase la température du centre des andains sera de l’ordre de 45 à 50°c.
Pour terminer les opérations avant remises à disposition des utilisateurs le compost pourra être criblé pour séparer la partie fine, la plus évoluée, des éléments grossiers.
Les micro-organismes du compost :
Les différents groupes :
- Les bactéries
Elles sont toujours présentes (800 à 1000 espèces minimum) dans les composts et dominantes en qualité et quantité. Elles sont en forte croissance si le taux carbone/azote (C/N) est faible et l’humidité élevée. L’activité est importante en milieu acide surtout si le substrat est frais.
Du fait de l’évolution des conditions du milieu, la population bactérienne change au cours du compostage. Avec une élévation des températures, seules les bactéries thermophiles se développent, et à l’inverse lorsque la température baisse, ce sont les bactéries mésophiles qui colonisent le compost. Pendant la maturation des bactéries endogènes et exogènes (qui proviennent de l’environnement de la plate-forme) envahissent le compost et se développent en compétition les unes avec les autres. En théorie, cette compétition empêche le développement de bactéries pathogènes exogènes.
Les virus parasitent les bactéries.
- Les algues
Ce sont des organismes chlorophylliens qui se cantonnent en surface dans les dix premiers centimètres de la couche superficielle du sol et subsistent sur les sels minéraux.
Ils préfèrent un milieu neutre ou légèrement alcalin.
En absence de lumière, certaines espèces peuvent se nourrir de matière organique.
- Les cyanophycées
Ils font partie de la famille des algues. Leur abondance coïncide avec une activité proche des bactéries. Elles sont fixatrices de l’azote atmosphérique et sont aérobies.
- Les champignons
Il existe plusieurs dizaines de milliers d’espèces. Ils sont dominants si le C/N est haut et provoquent la dégradation des celluloses et lignines. Ils sont capables de croître avec des taux d’humidité plus faibles que pour les bactéries et tolèrent un spectre large d’acidité.
- Les actinomycètes
Ils attaquent les substances non dégradées par les bactéries et champignons. Neutrophiles, ils tolèrent une acidité légèrement basique et sont peu compétitifs vis-à-vis des autres groupes. Ils se développent dans des phases finales de maturation. Les genres « Streptomyces et Nocardia » représentent 90% de leur biomasse. Ils ont une densité 3 à 15 fois plus faible que les bactéries. Beaucoup d’odeurs aromatiques des sols ou composts mûrs sont dus aux actinomycètes.
- Les protozoaires
C’est un grand groupe d’unicellulaires mobiles. Ils réclament un milieu humide (eau interstitielle) et sont plus petits dans les composts que dans les eaux par manque d’espace vital. Ils sont grands consommateurs de bactéries (plusieurs dizaine de milliers dans la vie d’une cellule). Leur rôle écologique est mal connu.
Le compostage est un moyen efficace d’hygiénisation des composts et des boues, si l’évolution de la température dans le temps est correctement contrôlée.
L’innocuité pour les plantes se détermine en fonction des espèces végétales, des doses d’application de la matière organique, et des conditions du milieu.
L’innocuité pour l’homme et l’environnement (protection de l’eau, des sols, de la faune sauvage et domestique) se raisonne à partir des caractéristiques du sol et des substrats à traiter.
Des chantiers doivent être réalisés selon les normes et recommandations en vigueur en recourant à des services agricoles reconnus pour la qualité de leurs prestations.
Les types de compostage :
Le compostage individuel
Le compostage naturel est un processus en deux phases :
sous l'action de microorganismes, la matière organique « fraîche » est dégradée en éléments simples, puis restructurée en une matière organique stable : le compost.
Le compostage collectif : l’exemple de Saint-Philbert de Bouaine (Vendée)
Cette commune a pris l’initiative d’une des premières expériences de compostage de quartier en France. Ce compostage collectif est une première réponse à la problématique des déchets. Il s’agit de retirer 25% du poids de la poubelle en séparant les fermentescibles des déchets résiduels ultimes et en valorisant au maximum les déchets verts. (les fermentescibles sont isolés des autres déchets).
Les premières indications donnaient 50% de la population comme participant au projet de compostage collectif, et 30% préférant le compostage individuel. Un maître composteur à temps partiel est en charge de la formation, de la réception et de la fabrication. Les usagers apportent leurs déchets et récupèrent une part du compost en proportion de leur apport (à la pesée).
Des projets similaires se développent à Rennes, Angers et d’autres villes.
Saint-Philbert de Bouaine : accueil et pesée de la poubelle « fermentescible »
Valorisation des déchets organiques dans l'agglomération de Lorient :
La Communauté d'Agglomération du Pays (CAP) de Lorient regroupe 190.000 habitants répartis dans 19 communes. En 2000, l'agglomération a choisie de mettre en place :
. une collecte sélective des emballages et des déchets organiques ménagers en porte-à-porte,
. et une collecte sélective de verre et des journaux-magazines en apport volontaire. L'agglomération a cherché une organisation acceptable pour les populations et surtout une alternative à l'incinération.
- Pour collecter un maximum de déchets, l'ensemble des 90.000 foyers de l'agglomération, y compris ceux en habitats collectifs, ont été équipés de « bio-seaux » installés dans les cuisines. Des sacs biodégradables ont été mis à disposition pour les conteneurs spécifiques pour les bio-déchets. Parallèlement, la taille des conteneurs pour les ordures résiduelles a été réduite pour inciter au tri. La collecte a officiellement débuté en 2003.
bio-seau avec philtre
- Côté qualité, l'agglomération est également satisfaite car le taux d'indésirable est faible : entre 1 et 6% du poids selon les quartiers. De plus, il n'y a pas eu de transfert trop important des déchets verts habituellement déposés en déchetterie vers les bio-déchets. Les déchets de cuisine représentent 60% des bio-déchets. Une fois collectés, ces bio-déchets sont regroupés et transférés vers l'unité de traitement biologique où ils sont compostés. Les déchets restent 4 semaines environ dans les tunnels de traitement avant d'être affinés. Le substrat obtenu est ensuite déferraillé, criblé, trié avant d'être officiellement dénommé compost.
- Selon les analyses, le compost de Lorient répond aux exigences qualitatives de la norme NFU 44-051 relative aux amendements organiques, révisée en 2006 et qui est obligatoire depuis le 28 février 2009 pour les composts de bio-déchets. Grâce à la qualité du tri, le compost de l'agglomération répond également aux exigences de l'écolabel européen. En plus, depuis 2008, le compost répond aux exigences du référentiel de l'agriculture biologique.
- Le centre de traitement de Cap l'Orient est prévu pour composter 16.000 tonnes par an de déchets dans un objectif de production de 6.000 tonnes par an de compost. Pour l'instant l'unité fonctionne à moitié de sa capacité et produit 2.500 tonnes de compost par an. L'intégralité est commercialisée auprès d'une vingtaine d'agriculteurs de l'agglomération et mise à la disposition des communes pour leurs espaces verts. Mais l'agglomération ne compte pas en rester là et prévoit d'améliorer sa collecte car selon les derniers contrôles, il reste encore entre 17 et 36% de bio-déchets dans les ordures résiduelles. Des industries agroalimentaires ont également pris contact avec l'agglomération afin d'envisager une prise en charge de leurs déchets.
Parallèlement à la mise en place de ses collectes sélectives, l'agglomération de Lorient a fait le choix d'enfouir ses ordures résiduelles. Mais ces dernières sont préalablement stabilisées : elles subissent un prétraitement similaire au compostage afin de réduire la part de déchets fermentescibles restante et ainsi réduire les quantités de déchets stockées. Cela permet de réduire de 30% le poids total des déchets enfouis.
Le traitement mécano-biologique (compostage industriel) :
AVERTISSEMENT : Compte tenu des odeurs générées par ce type d’installation traitant des ordures ménagères et produisant des composts, des soins particuliers doivent être pris en matière d’étanchéité des bâtiments, de dépression « suffisante » au sein de ces bâtiments et de désodorisation de l’air avant rejet dans l’atmosphère. Elles sont a proscrire à proximité d’habitations.
L’Unité de Launay Lantic (Côtes d’Armor)
Présentation :
Ce centre traite les déchets d’une communauté d’agglomération de 34 communes, regroupant près de 45 000 habitants (tourisme compris).
Un tri sélectif est opéré sur les apports volontaires en déchetterie pour le verre, le papier, les cartonnettes, le plastique et les métaux (4 200 tonnes/an) ainsi que pour les déchets verts (13 000 tonnes/an). Les ordures ménagères (en moyenne 13000 tonnes/an) sont collectées à domicile, en « tout venant ». Elles font l’objet d’un tri mécano-biologique. Les opérations de tri sont effectuées dans des équipements conventionnels décrits dans les chapitres précédents. Le traitement biologique à lieu dans deux tubes rotatifs « BRS » (Biological Revolving System).
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Chaque chargement passe par un pont bascule afin d’être contrôlé, pesé et identifié. Les ordures ménagères sont déversées dans les fosses de réception puis reprises par un grappin et transférées vers les trémies qui alimentent les tubes de pré-fermentation (BRS). Ces tubes tournent en quasi permanence sur leur axes pour malaxer les déchets qui en quelques jours sont transformés partiellement en un compost dit « gris »; le processus de fermentation n’ayant pas atteint sa phase terminale de transformation.
- Préparation à l’affinage :
Dans les tubes des couteaux éventrent les sacs poubelles. Le brassage en continu active la fermentation dite aérobie (en présence d’air). En quelques jours, (habituellement 4 jours), la matière organique est réduite en une fraction très fine aisément séparable des indésirables.En sortie de tube les déchets sont acheminés vers la tour d’affinage par un tapis roulant.
- Criblage :
Un premier criblage est réalisé par crible rotatif (trommel) pour séparer les indésirables supérieurs à 30 mm de diamètre (barquettes pots de yaourt…) du compost. Les éléments métalliques sont récupérés par un « overband » (système magnétique) pour être acheminés vers les aciéries.
- Tri balistique :
La seconde étape de l’affinage, c’est le tri balistique. Une fois criblé, le compost brut tombe sur un double tapis sélectionneur. En rebondissant, les refus lourds sont séparés du compost.
- Affinage final :
Le compost subit un dernier affinage sur un crible à toile de 10 mm, ce qui permet d’éliminer notamment les fragments de films plastiques.
- Maturation :
Le compost frais est mélangé à du compost de déchets verts. Retourné régulièrement et soumis à des contrôles fréquents, le mélange séjourne à l’abri, sous le hangar de maturation.
En période estivale, l’usine produit une autre gamme de compost par des mélanges avec des algues.
- Maturation (suite) :
Au bout de deux à trois mois, l’humus obtenu est prêt à l’épandage sur les terres agricoles. L’ajustement des doses de compost en fonction des besoins des cultures passe par une connaissance exacte de l’amendement à épandre.
- Maturation (fin) :
Chaque lot de compost comporte une fiche de suivi où figure sa composition, l’historique de sa fabrication et les résultats d’analyses. Il répond à la norme NFU 44051 qui est spécifique au compost issu de déchets. Complètement épuré de petits morceaux de plastiques, son aspect est irréprochable.
La capacité de traitement :
Elle est de 18 000 tonnes/an (ordures ménagères + biodéchets industriels) avec une saisonnalité de 45 tonnes/jour hors saison, et 80 tonnes/jour en saison de vacances.
Le tri mécano biologique permet de récupérer 50% du poids des déchets en compost. L’eau s’évapore, et une certaine quantité de méthane se dégage de la matière organique traitée. Les indésirables sont enfouis dans un centre d’enfouissement de classe 2 de 12 ha et qui sera saturé en 2030.
La qualité du compost de Launay Lantic (document Smitom) :
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La composition comparée à la norme NFU 44051 et à celle du Cérafel (Comité économique régional des fruits et légumes de Bretagne) qui l’utilise depuis quelques années avec satisfaction.
Launay Lantic démontre qu’il est possible de produire des amendements organiques irréprochables. Ce type d’équipement est complètement transposable pour des agglomérations de 200 000 habitants, soit en unités disséminées, soit en site unique.
Il est recommandé de ne pas broyer les déchets. Le compost est affiné sur un crible à toile de 10 mm pour éliminer les fragments de plastiques.
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